DÉSINSTITUTIONNALISATION : Bonne idée ou arnaque ?

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La désinstitutionnalisation a bon dos

Après la baisse des financements dans les établissements sociaux et médico-sociaux, les coupes budgétaires, les Contrats Pluriannuels Objectifs et de Moyens (CPOM) généralisés et autres dispositions visant une optimisation du service rendu, voici la nouvelle mesure à la mode : la désinstitutionnalisation, vantée par le « plan quinquennal d’évolution de l’offre médico-sociale.

Le rapport Piveteau de 2014 a ouvert le bal de la Macronie en transformant l’offre médico-sociale. La France appelle à une désinstitutionnalisation à tout crin afin de répondre à l’appel de Catalina DEVILAR rapporteur de l’ONU

Ainsi l’inclusion des personnes en situation de handicap passerait donc par la fermeture des internats, au nom de leurs besoins d’émancipation sociale, comme tout un chacun.

Sous couvert de socialisation, l’externalisation des prises en charges initie le processus de désinstitutionnalisation :

  • La mise en place de CLEX (Classe Externalisée) au sein des collèges se généralise mais la réalité montre un visage tout autre sur le terrain  : des moyens rudimentaires de fonctionnement pour les professionnels non reconnus par les enseignants de l’Éducation Nationale ; des jeunes mis à l’écart pendant les temps récréatifs, des conventions avec ces mêmes collèges « travestis » par les besoins de prendre en charge les cas dits difficiles, sans même avoir de notification de la CDAPH (Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées), etc…
  • Les moyens humains « détournés » viennent mettre en péril le cadre institutionnel. Dans le meilleur des cas, l’unique accompagnement est l’éducatif. Dans le pire des cas, une classe regroupe les jeunes ayant les troubles les plus sérieux, ce qui interdit tout acte d’enseignement, tant les comportements mêlés sont explosifs. Il est donc impossible d’évoluer dans un contexte « classique » d’apprentissage alors que c’est l’essence même des ITEP !
  • La perte de sens du travail éducatif s’accentue tant à l’encontre des collaborations pédagogiques (où les éducateurs ne sont tenus qu’à un rôle de référents du cadre à tenir), que sur les décisions d’externaliser la prise en charge en limitant les temps de présence sur l’institution, et du coup, les interactions nécessaires dans le travail relationnel avec ces jeunes.

Que dire de la fermeture des internats d’Instituts Thérapeutique Éducatif et Pédagogique (ITEP), qui n’offre d’autres choix qu’à a un retour au domicile pour des enfants et adolescents ayant des troubles psychiques, laissant les parents à bout de souffle sans solution face à la souffrance de leurs enfants ?

Que dire des IME quasiment obligés de créer des structures « hors les murs » pour répondre aux injonction des ARS, mais ceci bien sûr « à moyens constants » ? Donc en appauvrissant la couverture de prise en charge des enfants et adolescents accueillis ?

Que dire de celles et ceux, ayant l’obligation de rester à l’école jusqu’à 16 ans, alors que l’éducation nationale n’a pas les moyens de cette ambition et souffre d’un cruel défaut d’auxiliaires de vie scolaire pour tous !

Que dire de la loi Élan, véritable coup de poignard concernant l’habitat inclusif pour les personnes en situation de handicap ?

Enfin, combien d’entreprises ne respectent-elles pas l’inclusion des 6% de personnels en situation de handicap dans leurs effectifs, au regard du taux de chômage de cette population et que fait le gouvernement pour contraindre les employeurs de façon véritablement dissuasive ?

À travers un discours généraliste « novlangue lénifiante » dévalorisant le travail des professionnels et des institutions, le gouvernement actuel valide le « tout ou rien » mais surtout le « rien » à travers la mise en place de plateformes « censées » accompagner les personnes concernées et répondre à leurs besoins. Dans le cadre de la démarche « une réponse accompagnée pour tous » et de la stratégie quinquennale de l’évolution de l’offre médico-sociale (2017-2021) qui porte également le projet SERAFIN-PH (Services et établissements : réforme pour une adéquation des financements au parcours des personnes handicapées), il est souvent prévu l’accès à une place en liste d’attente dans un des services du dispositif sous un délai pouvant parfois atteindre un an !

L’inclusion dans les différents lieux de socialisation et dans la cité est un droit. Des améliorations sont indispensables concernant les aménagements physiques des lieux d’accueil au public. Des parents, faute de solutions sur le territoire français, envoient leurs enfants en Belgique… Et pourtant, c’était bien l’objet de la loi du 11/02/2007 sur l’égalité des chances des personnes en situation de handicap, partant du principe d’une inclusion pleine et entière de tous.tes.

La maltraitance est du côté des pouvoirs publics et non des soignants qui :

  • ne donnent plus aux personnels les conditions dignes d’exercer leur travail,
  • déqualifient ou embauchent des professionnels non formé-e-s,
  • « rationalisent » l’accompagnement en une série d’actes normés faisant fi de la relation,
  • coupent les subsides à ces lieux de vie au nom de la logique gestionnaire du moindre coût,
  • renvoient aux parents la responsabilité de trouver eux même les solutions quant à la prise en charge de leurs enfants.

Les familles ne peuvent se substituer à la solidarité nationale dans le médico-social. Nous demandons que la loi de 2005 soit effective en termes d’adaptations et de mises en œuvre de compensations permettant une réelle intégration des personnes en situation de handicap.

(Publié dans Perspectives Santé et Action Sociale CGT juin 2019)