Le droit du travail français contraint de se plier aux règles européennes, plus favorables, enfin !
En arrêt maladie, vous devez acquérir des congés payés
Contrairement à ce que prévoit le Code du travail, les salariés en arrêt maladie doivent acquérir, comme leurs collègues, des jours de congés payés. La Cour de cassation l’a rappelé le 13 septembre 2023. Les employeurs vont devoir s’y conformer immédiatement.
Un salarié en arrêt maladie devra continuer d’acquérir des congés payés, à raison de 2,5 jours ouvrables par mois, soit cinq semaines par an.
« Ces arrêts constituent vraiment un revirement de jurisprudence » , souligne Aliénor Chalot, avocate spécialiste en droit du travail au cabinet Kopper. Même si « on pouvait s’y attendre ». Depuis dix ans, la Cour de cassation appelait de ses vœux, dans ses rapports annuels, une refonte de l’article du Code du travail qui concerne les congés payés. Sans qu’elle soit entendue par les gouvernements. Faute d’avoir agi, en juillet 2023, l’État avait été condamné par la cour d’appel administrative de Versailles, donnant raison aux syndicats CGT, Solidaires et FO.
Conséquences très concrètes
S’ils ne sont pas à proprement parler une surprise, les arrêts de la Cour de cassation rendus mercredi 13 septembre 2023 vont avoir des conséquences très concrètes pour les salariés et les employeurs. Comme le souligne le communiqué, la Cour « met en conformité le droit français avec le droit européen en matière de congés payés » . Sur un point notamment qui peut concerner un grand nombre de personnes : « Les salariés malades ou accidentés auront droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle. » Jusqu’à présent, seuls ces derniers permettaient d’en obtenir (dans la limite, jusqu’alors, d’une année d’arrêt).
En clair : un salarié en arrêt maladie classique devra continuer d’acquérir des congés payés, à raison de 2,5 jours ouvrables (ou 2,08 jours ouvrés) par mois, soit cinq semaines par an.
Droit français versus droit européen
Car selon le droit de l’Union européenne (UE), lorsque le salarié ne peut pas travailler en raison de son état de santé, situation indépendante de sa volonté, son absence ne doit pas avoir d’impact sur le calcul de ses droits à congé payé. Alors que pour le droit français, un salarié atteint d’une maladie non professionnelle ou victime d’un accident de travail n’acquiert pas de jours de congé payé pendant le temps de son arrêt de travail. S’appuyant sur la Charte des droits fondamentaux de l’UE sur le droit au repos, la Cour de cassation « écarte les dispositions du droit français qui ne sont pas conformes » .
Dans la même logique, les arrêts de la Cour de cassation abordent aussi d’autres volets. En cas d’accident du travail, le calcul des droits à congé payé ne sera, par exemple, « plus limité à la première année de l’arrêt de travail » .
Comme le relève Aliénor Chalot, la Cour de cassation s’est aussi penchée sur le cas des périodes de congé parental : « À partir du moment où le salarié est dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence parce qu’il est en congé parental, les congés payés qui étaient acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés nécessairement à la date de reprise du travail. » Il ne peut donc pas les perdre du fait de son congé parental sous prétexte qu’il n’a pas pu les prendre.
Une règle à appliquer immédiatement
Le Code du travail français sera-t-il bientôt revu pour être enfin dans les clous ? En tout cas, le gouvernement va difficilement pouvoir contourner le problème. « Le Code du travail sera modifié, assure Aliénor Chalot. Il n’y aura pas d’autre choix. » En revanche, cela pourrait prendre du temps. Car la logique du Code du travail n’est vraiment pas la même que celle du droit européen : « Le Code du travail considère qu’il faut avoir effectivement travaillé pour acquérir des jours de congés payés. Alors que pour le droit européen, à partir du moment où vous avez le statut de salarié, de travailleur, vous avez nécessairement des congés. »
Tous les employeurs de droit privé vont devoir immédiatement se conformer aux arrêts de la Cour de cassation. S’ils ne respectent pas cette nouvelle jurisprudence, ils prennent le risque d’être condamnés par un conseil de prud’hommes ou une cour d’appel. Ils devraient alors « donner les congés payés qui n’auraient pas été accordés au salarié. Ou, si celui-ci est sorti depuis de l’effectif de la société, indemniser les jours de congé qu’il n’avait pas acquis mais aurait dû acquérir pendant son arrêt maladie. »